Quelques Minutes après Minuit - Patrick Ness


Connor O'Malley est un garçon d'une douzaine d'année. Vivant seul avec sa maman atteinte d'un cancer, le jour, il subit les brimades quotidiennes de ses camarades de classe. La nuit, son sommeil est hanté par un cauchemar : la venue d'un monstre qui tient à lui raconter deux histoires. Seulement, ce sera à Connor de raconter la dernière. 

De l'année 2016, je ne pourrais retenir qu'un seul auteur : Patrick Ness.

Incroyable découverte que celle de sa trilogie, Le Chaos en Marche : puissante, cruelle et dévastatrice, je n'avais pas ressenti un tel élan d'amour pour une série depuis Hunger Games. C'est donc tout naturellement que je me suis tournée vers les autres publications de cet auteur multi-primé (à juste titre !) : le petit dernier Nous autres, simples mortels et surtout, cette petite pépite qu'est Quelques Minutes après Minuit.

La maladie, la mort, le deuil, la violence scolaire : autant de sujets difficiles abordés dans Quelques minutes après minuit. Ce qui fait toute la différence -et la force de Patrick Ness-, c'est qu'il n'y a aucune surenchère ni artifice, tout est traité avec sensibilité, pudeur et justesse. L'attachement de l'auteur pour les oeuvres réalistes est bien présent dans le roman, l'élément fantastique servant à appuyer son propos.  On retrouve ainsi le style et la plume atypiques de l'auteur, intacts et fluides, et également sans fioritures.

Après la dystopie, Patrick Ness s'aventure donc dans le registre du conte dont il reprend quelques codes, les arrangent et les modèlent pour nous présenter une histoire entre rêve et réalité, où les princes ne sont pas forcément charmants et honnêtes et le monde blanc et noir. Les histoires contées n'ont rien à voir avec les contes de fées des livres de notre enfance et se rapprochent des récits des Frères Grimm où sont mis en avant les aspects les plus sombres de l'âme humaine. Ainsi, pas de gentils ni de méchants, pas de fin heureuse ou de morale à la fin, juste une mise en lumière sur la complexité et les contradictions des Humains. Le Monstre, d'ailleurs, tient davantage du sage philosophe que des figures terrifiantes du Croque-Mitaine ou de l'Ogre.


Mais Quelques minutes après minuit, c'est surtout un roman d’apprentissage et d'initiation, celui de Conor, ce petit garçon bringuebalé entre les brimades d'une bande de voyous de son école et un quotidien marqué par la maladie, qui ronge progressivement sa mère. Conor est triste mais surtout en colère, une colère qu'il ne parvient pas à exprimer. Le récit s'attache autour de ce héros qui cherche des réponses, se cherche et finalement, trouve dans l'expression de sa colère, une vérité qu'il connaissait mais ne voulait pas s'avouer, une libération.

Impossible d'achever cette chronique sans parler des somptueuses illustrations, signées par Jim Kay. On lui doit les dernières versions illustrées des deux premiers tomes de Harry Potter et bien que son style soit lui aussi reconnaissable, les représentations sombres tranchent avec celles plus colorées qu'on lui connaissait jusqu'à présent. Ses dessins se prêtent parfaitement à l'univers sombre et onirique de ce récit, aussi je vous conseille vivement de vous procurer les éditions illustrées.



Il serait également injuste de publier cet article sans mentionner Siobhan Dowd qui est à l'origine de ce projet littéraire. Auteure de romans jeunesse dont Où va-tu Sunshine ?La Parole de Fergus et Sans un cri (tous publié par Gallimard Jeunesse en France), elle s'éteint pendant l'été 2007 avant d'avoir pu mettre en mots son histoire. Patrick Ness lui consacrera une émouvante préface et lui dédiera l'ouvrage.

Plus que quelques mots avant d'arriver à la fin de cet article (qui est tout sauf objectif !). Parlons-en d'ailleurs de la fin ! Belle, puissante et triste, elle exprime toute l'intelligence de cette oeuvre et le génie de son auteur. De la même manière que Le Chaos en marche, la lecture de ce récit m'a longtemps suivi, hanté mon esprit. La preuve en est : voilà presque un an que j'ai lu Quelques Minutes après minuit et me voilà en train de rédiger cette chronique.
Preuve surtout que cette oeuvre est un petit bijou, une lecture atypique mais qui marque la vie d'un lecteur. Et n'est ce pas ces lectures qui sont les meilleures ?




0 commentaires:

Enregistrer un commentaire